Résistance

Vendredi 27 octobre dernier , se tenait l’audience au fond sur la dissolution du mouvement. Les conclusions du rapporteur public furent inquiétantes. Laurent Domingo, membre du conseil chargé d’éclairer les juges, a estimé que la « provocation » à des atteintes aux biens était largement documentée via des vidéos relayées sur les réseaux sociaux des Soulèvements. Il a relevé un « caractère récurrent » dans ces appels : ils « s’inscrivent dans un programme de lutte affirmé contre les autorités et l’État ». Pour lui, les Soulèvements contiennent « des éléments radicalisés qui ont abandonné la voie traditionnelle du militantisme écologique au profit d’actions de destruction ».

Nous pourrions fort bien retourner ces arguments contre l’accusateur. « La provocation à des atteintes au vivant et à la biodiversité est largement documentée via des vidéos relayées sur les réseaux sociaux. Il y a un caractère récurrent dans ces projets : ils s’inscrivent dans un programme acharné de destruction irréversible des milieux naturels et de leurs occupant·e·s. L’État a abandonné la voie traditionnelle démocratique, au profit intéressé d’une minorité prédatrice et égoïste ». En démocratie, l’obéissance est perçue comme nécessaire en vertu d’un consensus entre les citoyen·ne·s et l’État, articulé autour de la notion, en grande partie symbolique, d’une violence « légitime » détenue par ce dernier. Lorsqu’il se trouve en perte de légitimité démocratique, l’État est contraint d’exhiber cette violence pour préserver son autorité.

Alors que depuis les années 1970 s’était imposée l’idée que l’action de l’État doit être subordonnée au respect des libertés individuelles et de la séparation des pouvoirs – y compris dans les situations de crise –, depuis 2017 particulièrement (Loi SILT), la volonté du pouvoir est de se frayer un chemin juridique coercitif en marge de l’état de droit. Le risque zéro n’existant pas, un mécanisme mis en place au nom de l’état d’urgence ne cesse jamais de lui-même. Son enjeu est la surenchère permanente. Votée en 2021, la loi controversée contre « le séparatisme », permet, de façon accrue, un contrôle « a priori » des associations, tenues au respect d’un « contrat d’engagement républicain », incompréhensible, si l’on considère que le tissu associatif est en soi une école de la démocratie. Ce « soupçon » d’inconstitutionnalité, non défini par le législateur, permet de cibler partialement toute organisation ou personne perçue comme contestataire et n’étant pas conforme aux volontés de l’administration.

Il est à craindre que s’amorce une ère de plus en plus sombre, où les attaques contre ceux qui croient encore à la démocratie vont se multiplier. L’avènement d’un pouvoir autoritaire est rarement brutal. C’est un processus méthodique qui se construit brique par brique, rognant par petites touches les marges d’action de la société civile. Dérive perceptible lorsque le droit pénal est utilisé pour contrer le mouvement social ; lorsque la répression judiciaire ne se base plus sur des faits, mais sur des supposées intentions ; lorsque l’action politique, par l’assimilation du militantisme au terrorisme, n’est plus reconnue comme telle. La stratégie du ministre de l’Intérieur, qui en avril 2023 menaçait de priver la Ligue des Droits de l’Homme de subvention, ou de s’en prendre au « terrorisme intellectuel » de l’extrême gauche, fait partie de ces signaux.

Dans ce contexte, une mobilisation constante et une vigilance indéfectible sont de rigueur. Nous appelons tou·te·s les personnes, organisations, comités locaux, partout à travers le pays à rester vigilant·es et à continuer à faire vivre, croître et se multiplier le mouvement dans les mois et années à venir.

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